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Santé maternelle: au Gabon, les femmes catholiques relèvent le défi du sida…

Pour vaincre la détresse cachée des enfants infectés par le sida pendant la grossesse, des femmes gabonaises agissent pour sensibiliser et accompagner les femmes enceintes, en partenariat avec le gouvernement.

Témoignage de l’action des femmes catholiques pour le développement, par la Présidente de l’Association des Femmes Catholiques du Gabon.

Entretien avec Femina Europa, Fatima le 25 Octobre 2014.

« Cinq cents femmes catholiques représentant plus de cinq millions de membres  dans le monde sont réunies à Fatima pour l’Assemblée Générale de l’Union Mondiale des Organisations Féminines Catholiques, j’ai devant moi une participante, bonjour Jacqueline !

Bonjour Anne ! Je suis Jacqueline Obone-Mba, Présidente de l’Association des Femmes Catholiques du Gabon.  Nous sommes venues de très loin avec une forte délégation de trente-trois membres.

Pouvez-vous me parler  de votre Association, son  but, le nombre de ses membres ?

L’Association des femmes catholiques du Gabon a pour but de promouvoir le rôle de la femme dans l’Eglise et dans la société. Nous sommes autour de 500 membres sur tout le pays. Mais nous sommes encore en pleine expansion.

Le Gabon est un petit pays de l’Afrique centrale  du point de vue de la population ?

Oui, nous n’avons que six diocèses pour 1M5 habitants.

Mais vous avez une action très importante au Gabon ?

Oui  vraiment, promouvoir le rôle de la femme dans l’Eglise et la société est une mission importante. Nos actions s’inscrivent dans ces deux domaines: l’Eglise et la société. Cela suppose dans un premier temps que les femmes renforcent leur capacité en matière d’enseignement de l’Eglise y compris la doctrine sociale de l’Eglise. Au niveau de la société, nous avons défini quatre axes de travail: la contribution à la lutte contre la pauvreté, l’analphabétisme,  les maladies courantes et les fléaux sociaux.

Plusieurs facteurs se conjuguent en effet pour faire de la femme un être vulnérable.  Elle  est la pauvre parmi les pauvres. Au Gabon, il existe plus de 30% de familles monoparentales dont la majorité a des femmes comme chefs de famille.  En général elles sont pauvres, c’est pourquoi notre Association cherche à améliorer leurs conditions de vie par l’autonomisation économique à travers la mise en place des activités génératrices de revenus.

S’agissant de la lutte contre les maladies émergentes,  nous sommes engagées en particulier dans la lutte contre le sida, le paludisme, les cancers féminins les maladies évitables par la vaccination, etc. Depuis deux ans, nous sommes engagées dans un projet d’ « Appui à l’observance aux soins et traitements auprès des enfants infectés et affectés par le VIH sida ». C’est un point  important parce que le sida pédiatrique,  on n’en parle pas beaucoup au Gabon et pourtant le taux de prévalence est élevé.  La transmission du virus de la mère à l’enfant est une préoccupation majeure. Il est bien connu que plus de 95% des cas de sida chez les enfants le sont par le biais de la mère.  Il n’est malheureusement pas  toujours évident pour les femmes de suivre les conseils qui leur permettraient d’éviter de transmettre le virus à leur bébé.

Pouvez-vous nous parler de ce projet ?

Notre Association a été sollicitée par le ministère de la santé du Gabon. Le financement émanait de l’Agence française de développement avec l’appui technique de l’ONG internationale Médecins d’Afrique.

Au départ nous avions choisi, à l’instar de 7 autres ONG impliquées dans la lutte contre le sida, de nous déployer dans un quartier de Libreville,  mais nos partenaires nous ont  imposé toute la Commune de Libreville et ses environs. La raison invoquée étant que l’Eglise catholique, avec son organisation interne, pouvait conduire efficacement un tel projet. Le sida pédiatrique n’est pas en effet réellement intégré dans la prise en charge des personnes infectées. Le taux de prévalence officiel est de 5,1%, mais en réalité ces taux sont plus élevés. Les femmes, pour plusieurs raisons (physiques, économiques, culturelles) sont trois fois plus infectées que les hommes.

S’agissant des mesures de lutte contre le sida chez les enfants, le gouvernement a mis en place depuis plusieurs années une politique de prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant qui devait permettre de tendre progressivement vers une génération sans sida. Mais la mise en œuvre de cette politique est difficile, car si le dépistage de la femme enceinte fait partie du paquet minimum des examens prénatals à passer, il n’en demeure pas moins que le retrait des résultats n’est pas encore obligatoire. Il en résulte que beaucoup d’enfants naissent encore avec le virus, et peuvent faire la maladie quelques semaines après leur naissance.

Concrètement, cela suppose une réelle prise de conscience de la cellule familiale. Aujourd’hui, il est possible de préserver un bébé d’être infecté par le virus du sida. Cela exige que la femme enceinte séropositive soit suivie, dès la 34ème semaine (ARV) . J’ai été formée comme médiatrice dans un centre communautaire où on reçoit les femmes enceintes. Une femme qui va en consultation doit aller jusqu’au bout du processus. Ainsi, en cas de séropositivité, il faut retirer les résultats, informer le partenaire, les parents, et se présenter au Centre de traitement ambulatoire pour ouvrir un dossier de suivi médical. Toutes ces étapes sont difficiles à franchir. Se découvrir séropositive peut conduire à diverses réactions : refus d’accepter son statut, le dissimuler à la famille, aller accoucher dans une clinique de quartier où les personnels soignants ne sont pas systématiquement référents, c’est-à-dire formés aux techniques appropriées d’accouchement des femmes séropositives. Elle peut décider d’allaiter son bébé tout en se sachant séropositive, car ne pas allaiter équivaut à attirer l’attention des autres. Pourquoi n’allaite-t-elle pas ?

Le volet psychologique est donc important dans la gestion des cas. Une femme séropositive éprouve d’énormes difficultés à annoncer les résultats à son partenaire. Elle culpabilise,  alors que souvent elle a été contaminée par quelqu’un qui prend en cachette ses médicaments.  Elle se sent coupable, ou alors pour éviter la stigmatisation, elle cache son statut. Un autre problème c’est la famille. Nous sensibilisons les mères dont les  filles sont enceintes à accompagner ces dernières récupérer les résultats. Nous pensons qu’un accompagnement familial aiderait à améliorer la prise en charge du sida.  Un exemple, les relais communautaires de notre Association ont eu à travailler avec un groupe de jeunes filles infectées qui disent préférer gérer leur situation avec leurs copines (qui sont elles aussi dans le même cas), plutôt que d’informer les parents qui découvrent souvent, et malheureusement trop tard, le statut de leur enfant (parfois à la mort de cette dernière). Il y a donc de la stigmatisation, mais aussi de l’auto stigmatisation.

Quelles sont vos perspectives ?

Nous faisons beaucoup de sensibilisation. En l’occurrence, nos activités de sensibilisation portent sur la gratuité des examens et des ARV chez les femmes enceintes. Nous les sensibilisons également sur les 3 modes possibles de transmission du virus de la mère à l’enfant: pendant la grossesse, à l’accouchement et par l’allaitement maternel (sauf si l’allaitement est protégé par les ARV chez la mère et le bébé).

Nous insistons sur les droits de l’enfant: droit à la vie, mais également droit à naître en bonne santé. La future mère doit alors  dépasser le cap de l’émotion et se présenter au centre de traitement ambulatoire.

Nous avons eu des témoignages de femmes séropositives ayant suivi les conseils et dont les enfants sont nés séronégatifs.

S’agissant de la durabilité de notre projet, la mise en œuvre nous a permis, en une année, d’identifier 182 enfants infectés non encore intégrés dans le circuit de prise en charge médicale. Le projet ayant pris fin, c’est-à-dire, n’ayant plus de financement, nous avons lancé un système de parrainage, qui permette, à travers un appui multiforme, à ces enfants de retrouver le sourire.

Qu’est-ce que le parrainage d’enfants ?

Etre parrain, c’est une merveilleuse façon d’aider un enfant à grandir ! C’est grâce à un don de 15.000FCFA par trimestre (22€) qu’on peut l’aider  à être soigné, à ne plus souffrir de la faim, et pourquoi pas à aller à l’école ?

 

Sous quelle forme se fait ce parrainage?

L’approche du parrainage d’enfants infectés de VIH se veut globale et vise à répondre à l’ensemble des besoins de l’enfant. Il s’agit d’une démarche qui aide l’enfant à devenir autonome dans son milieu de vie.

Le volet médical : pour être sous antirétroviral (ARV),  il faut faire le bilan médical, c’est le préalable.  De nombreuses familles n’ont pas les moyens financiers pour faire ces examens.  Beaucoup d’enfants n’ayant pas d’acte de naissance ne peuvent pas bénéficier de la couverture médicale (assurance maladie, comme d’ailleurs d’autres droits élémentaires (aller à l’école…). A ce niveau, le parrainage consisterait à nous aider à permettre à ces enfants de faire le premier bilan qui va mesurer la charge virale. Une fois qu’ils sont sous ARV, le bilan se fait tantôt tous les trois mois (bilan des CD4), tantôt tous les 6 mois (charge virale). Il convient ici de souligner que la charge virale coûte plus cher que le simple bilan trimestriel. La différence de coût va du simple au triple ou plus, pouvant atteindre les 120€,  surtout que cet examen se pratique souvent dans des laboratoires privés.

Il y a aussi une question de nutrition je crois ?

Oui. C’est le volet nutritionnel. Nous avons élaboré un guide alimentaire sur la base de produits locaux pour inciter les familles à satisfaire les besoins alimentaires des enfants infectés en utilisant avant tout les produits locaux au lieu de penser aux produits importés qui coûtent excessivement cher. Ce guide est disponible, mais nous cherchons des appuis pour le rééditer, car c’est en couleur, donc cher.

La prise des ARV sans une alimentation correcte provoque des effets secondaires  qui peuvent conduire le patient à l’abandon du traitement.  Donc la nutrition est un volet important. Il faut encourager les personnes qui vivent avec le VIH (PVVIH)  à ne pas abandonner le traitement, sinon les résistances s’installent. La remise en route exige alors de refaire de nouveaux protocoles (en France et c’est très cher).

Le volet éducatif : certains enfants infectés n’arrivent pas à aller à l’école et quand ils y vont, le taux d’absentéisme est élevé suite à de nombreuses crises. L’idéal pour eux serait de fréquenter les établissements à effectifs réduits pour un meilleur suivi, malheureusement, ils sont dans des établissements publics où les effectifs sont souvent pléthoriques,  ils n’arrivent donc pas à suivre et peuvent abandonner l’école.

Vous avez bien analysé le problème, vous avez repéré les enfants dont certains ne sont même pas déclarés et vous avez trouvé les solutions mais il faut maintenant mettre en œuvre ?

Oui le plus difficile à été fait : entrer en contact avec les personnes infectées. C’est le volet psychologique et accompagnement. Dans le cadre du projet, nous étions introduites par le personnel soignant, et petit à petit la confiance est rentrée quand les parents de ces enfants se sont rendu compte qu’on peut  apporter un soutien,  accompagner à l’hôpital,  donner une  petite aide alimentaire, et surtout écouter.  Cela a ouvert grandement les portes et aujourd’hui, c’est quand même un milieu que  nous avons réussi à pénétrer alors qu’il y a deux ans cela n’était pas pensable.

Quels sont donc les avantages pour vous de participer à cette réunion internationale ? Quels bénéfices attendez-vous pour votre projet?

Les bénéfices c’est de vendre notre projet. En décembre 2013, nous avons organisé un arbre de Noël pour les enfants infectés et affectés, car quand les parents vivent avec le VIH, leurs revenus sont réduits. Cela revient à dire que pour beaucoup d’enfants il ne va pas y avoir de sourire à Noël. Nous avons organisé avec l’aide de Caritas Gabon et de certaines paroisses, un arbre de Noël qui a permis d’offrir des jouets à plus de 300 enfants.  Ils étaient contents et nous voulons recommencer à l’occasion de Noël 2014.

Et l’intérêt de participer à l’AG de l’UMOFC en général ?

L’Eglise est universelle. Quand nous venons ici nous nous sentons vraiment fières d’être catholiques, de partager nos expériences avec d’autres femmes. Je sais que l’Eglise, le Saint-Siège attache une importance particulière à l’éducation des femmes, à leur encadrement, pour que nous puissions être celles qui défendent l’enseignement de l’Eglise, car si nous ne sommes pas formées, nous risquons de défendre des positions contraires à l’enseignement de l’Eglise, et ce serait dangereux. C’est une occasion de montrer aux hommes, et à l’Eglise surtout  que, quand nous nous retrouvons, ce n’est pas pour parler des problèmes de femmes, c’est pour parler des problèmes de l’Eglise, car nous sommes avant tout des chrétiennes.

Avez-vous un exemple en tête ?

Par exemple les problèmes de genre, tout le monde en parle, une femme a tendance à défendre le genre croyant que cela fait partie des problèmes de la femme mais il faut lire cela avec du recul,  il faut lire cela avec les yeux d’une chrétienne et  voir que cette tendance dans le genre à opposer les femmes et les hommes n’est pas chrétienne, cela ne rentre pas dans le plan de Dieu car Dieu a créé l’homme sous deux aspects : homme et femme. « Homme et Femme il les créa. » C’est ce que nous lisons dans la Genèse. Donc aujourd’hui  les chrétiennes que nous sommes, nous devons nous battre pour défendre les positions de l’Eglise. Je suis persuadée que  nous devons donner une éducation à nos filles  pour qu’elles soient d’abord des femmes. Comme disait le Cardinal Ratzinger, il ne faut pas que la femme cherche à imiter l’homme il faut d’abord qu’elle soit elle-même. Je crois qu’en tant que catholiques,  nous n’avons pas à avoir honte parce que l’Eglise est à l’avant-garde du combat de la dignité de la femme.  Les Organisations de l’Union Mondiale des Organisations Féminines Catholiques, doivent renforcer les capacités de leurs membres pour nous aider à  jouer notre rôle.

Merci Jacqueline

Pour parrainer un enfant écrire : info@femina-europa.com

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