Femina Europa à Rome pour le séminaire « Femmes et Travail » au Conseil pontifical pour les laïcs.
Quel est le sens du travail de la femme ? comment réconcilier la vie professionnelle et familiale?
Deux journées pour y réfléchir sous la présidence du Cardinal Rylko.
Rome, 4 et 5 Décembre 2015. Une centaine de femmes de tous les continents étaient réunies pour écouter et réagir aux conférences proposées ; les textes sont sur le site du Conseil Pontifical, je ne vais donc pas faire un compte-rendu mais une synthèse de ce qui m’a frappé. Je suppose que, comme moi, vous auriez été intimidée au départ. Mais l’accueil de la responsable de la section Femme, Ana Cristina Vila Betancourt, est tellement chaleureux et simple que cette appréhension disparaît rapidement et laisse toute la place à la joie d’être avec d’autres femmes passionnées de l’Evangile et désireuses d’écouter l’Esprit Saint. C’est une expérience merveilleuse.
Toute l’équipe de Femina Europa avait réfléchi au thème du séminaire « Femme et travail » et envoyé un texte au Saint-Siège pour préparer cet évènement. Ce texte est sur notre site www.femina-europa.org. L’Eglise nous demandait de réfléchir à la femme et au sens de son travail dans la société ; nous étions heureuses d’apporter notre contribution basée sur notre expérience auprès des institutions internationales depuis dix ans.
Synthèse du séminaire
Le sens du travail
La personne humaine est appelée à la sanctification par le travail. Le travail est bon pour l’homme et la femme. Par l’offrande de notre travail nous participons au sacrement eucharistique. Le travail de la femme est aussi de transmettre la vie, d’engendrer l’être humain et de le relier à son père et à Dieu.
Harmonisation entre vie familiale et vie professionnelle
Les femmes ont toujours travaillé. Il faudrait parler d’harmonisation entre la vie de famille et la vie professionnelle, et non de conciliation. Le terme harmonisation est préférable car il élimine l’idée sous-jacente de conflit contenu dans le concept de conciliation. Il s’agit de communion et non de réconciliation. La famille et le travail sont des valeurs fondamentales qui ne devraient pas être en conflit ; autrefois la famille était le lieu du travail. C’est l’industrialisation et le taylorisme qui ont fait sortir le travail de la famille et l’ont fragmenté. Chez les grecs l’harmonie était un objet, un filet qui évitait le frottement entre deux pièces métalliques. La politique de gender mainstreaming de l’Union Européenne implique que la femme soit au service des exigences des entreprises. C’est une erreur, il faut une politique favorable à la famille : le family meanstreaming.
La neuro-biologie confirme la différence entre le garçon et la fille
La science confirme l’enseignement de l’Eglise ! L’homme et la femme ont été créés égaux mais différents. Des expériences scientifiques sur la rétine et l’oreille des nouveaux-nés ont démontré que les petites filles et les petits garçons sont différents dès la naissance. Le cerveau des adultes aussi, car chez les hommes, les connections se font principalement dans le sens vertical à l’intérieur de chaque lobe, tandis que chez les femmes les connections se font dans le sens horizontal, ce qui donne beaucoup de relations entre les deux lobes.
C’est pourquoi les femmes sont plus aptes à la parole, à la relation, que les hommes, car ces zones sont plus stimulées dans leur cerveau. En général, quand les filles font une sortie entre elles c’est pour parler, tandis que les garçons ont un programme, ils sortent pour faire quelque chose. Ceci ne signifie pas évidemment que les garçons et les filles ne sont pas égaux, leur nature humaine est la même, il s’agit d’une « unidualité » de la personne humaine, selon l’expression de saint Jean-Paul II. Dieu a voulu nous créer ainsi pour nous éviter la solitude, et nous faire participer à sa relation trinitaire. L’homme et la femme sont des êtres de relation.
L’identité de la femme est abîmée
L’idéologie du genre se présente au début comme une défense des droits mais elle se termine par une dissolution de l’identité, qui défigure le profil de la personne humaine et le sens de son existence. Il s’agit de rectifier la distorsion du genre qui nie la différence sexuelle et scinde la personne en deux parties : un corps à modeler d’un côté et une volonté pure de l’autre.
De centrifuge la personne devient centripète, le sens est inversé, la personne devient alors fonctionnelle et enfermée dans son soi. Car la personne humaine est au contraire invitée à sortir d’elle-même, au don.
La femme a, gravé en elle, un antidote, une intégration du corps spirituel et physique. La relation est plus intime chez la femme. L’âme est plus vivante chez la femme. Edith Stein parlait de la relation au corps. Les corps sont différents et la relation de l’homme et de la femme au corps est différente. La femme a une disposition radicale à la maternité, un potentiel à accueillir une autre personne en elle, elle mobilise toute sa personne et favorise l’unité. Il y a chez la femme une disposition unique pour le don et la maternité qui la rend proche de la vérité de la personne. C’est à la femme qu’on a confié la personne humaine. La femme peut donc inverser la tendance et lutter contre l’hégémonie de l’efficacité et l’utilité.
Les stéréotypes
Les stéréotypes peuvent aider les enfants, cela leur permet de comprendre la réalité avant d’en avoir un accès direct. Le stéréotype peut être rigide pour un adulte mais pas pour un enfant qui a besoin de repères solides et clairs. Le problème c’est de proposer aux enfants quelque chose de déstructurant.
Le paradoxe du PIB
Le PIB progresse si la femme sort de chez elle pour aller travailler. Cela donne du travail à d’autres femmes qui vont prendre en charge ce que faisait cette femme. Un accident fait monter le PIB : achat d’une nouvelle voiture, facture d’hôpital….Par contre, le travail invisible et gratuit effectué par la famille n’est pas pris en compte alors qu’il représenterait 40% en plus du PIB.
Témoignage de Constanza jeune et jolie journaliste italienne, auteur à succès
« J’ai de jeunes enfants mais quand ils sont malades je n’ose pas dire pourquoi je dois m’absenter et mes collègues pensent que j’ai un amant ! J’aimerais mieux ne pas travailler, mais je suis obligée financièrement. » Constanza a publié : « Marie-toi et sois soumise » pour les femmes et « Epouse-la et meurs pour elle » pour les hommes, ouvrages plein d’humour qui ne sont pas appréciés des féministes radicales.
Le féminisme
Nous constatons que les femmes ne sont pas satisfaites malgré tous les progrès réalisés, pourquoi ? Le mouvement des droits de l’homme était centré sur l’emploi et l’éducation mais il n’a pas pris en compte les plus faibles et donc il a échoué.
La majorité des femmes apprécient plus la vie de famille que le travail et la collaboration 50/50 est plutôt mauvaise pour la solidité du mariage. Les femmes réalisent qu’elles n’arrivent pas à contribuer au bien-être de leur famille qui n’est plus un lieu de production mais de consommation. Les femmes essayent d’aller plus vite, d’en faire plus, alors qu’avant elles avaient le sentiment d’apporter une contribution au bien commun. Le matérialisme est un ennemi pour nous, l’accumulation est mauvaise. L’économisme est aussi un ennemi car la famille n’est pas reconnue. Les travaux domestiques et les professions du soin ne sont pas assez valorisés. Il y a moins de femmes ingénieurs mais est-ce une discrimination ou le désir profond des femmes ?
Le mouvement des femmes a créé des dispositions qui nuisent aux femmes : divorce et avortement : ainsi elles sont de plus en plus seules et pénalisées. Le féminisme se retourne contre la femme. Les femmes ne savent plus pourquoi elles luttent. Elles ont besoin de nuances.
Pour autant, nous devons éviter les idéologies et l’esprit partisan, et montrer que notre combat est bon pour tous. Les partisans de l’avortement sont une minorité. Nous devons aider les femmes à se défendre contre ces politiques, aller dans les médias, faire des formations d’éthique sexuelle, dans un véritable esprit d’égalité homme femme, responsables et autonomes.
Les institutions internationales
L’égalité entre les hommes et les femmes doit se faire mais il s’agit de défendre les droits des femmes sans passer par la perspective de genre. Il y a une crise de la vérité, on ne se réfère plus au fondement anthropologique.
Les organisations internationales fixent la loi, en rupture avec le droit naturel: on parle de diversité. C’est le relativisme du bien doublé d’un processus d’homogénéisation.
La Convention 1979 CEDAW apporte la première référence au gender mainstreaming, en 1979.
Ensuite il y a eu Pékin, la Conférence sur les droits de la femme, en 1995.
Maintenant nous avons les ODD— les objectifs du développement durable —, après avoir eu les OMD 2015, — Objectifs du millénaire—. Dans la pensée dominante, le droit estime que la limite est une barbarie car ce que la technique permet le droit doit l’autoriser.
En conclusion: Le défi pour la femme en position de leadership est de promouvoir l’égalité tout en étant consciente des problèmes qui incombent aux femmes. Par exemple s’attaquer à la réduction des inégalités culturelles qui sont la cause de violences.
Le rôle de l’Eglise
Le gros problème est d’être serviteur public et catholique. En Amérique latine nous avons le Consensus de Quito (droit à la liberté religieuse). Le défi pour les femmes est de défendre la liberté religieuse : c’est notre responsabilité face à la perspective de genre qui est devenue très importante dans la législation. C’est le radicalisme de genre. Il faut accepter que nos croyances religieuses ne limitent pas notre exercice public. L’Eglise doit accompagner la femme comme le disait Saint Jean Paul II, et cet accompagnement fait défaut, il y a une absence. Nous ressentons une absence de dialogue et quand nous devons défendre dans la vie publique l’anthropologie chrétienne, l’Eglise reste silencieuse alors que le thème de la liberté religieuse devient primordial. La liberté religieuse est un domaine très important et l’Eglise doit être présente pour le défendre dans un monde complexe qui n’accepte plus l’Absolu. Cela devient très difficile pour nous les femmes catholiques qui représentons l’Eglise.
Et la beauté dans tout cela ?
La question de la beauté est vaste. La société actuelle donne beaucoup d’importance au corps et plus au paraître qu’à l’être. Il existe un lien entre la théorie du genre, la recherche du corps parfait et l’euthanasie. Pour le genre : « je ne suis pas mon corps, j’ai mon corps » que je peux manipuler et refuser. La question de la beauté n’est pas frivole, c’est une valeur. La question est de savoir si la beauté est uniquement la recherche du corps parfait. Selon Saint Thomas: la beauté repose sur trois éléments : la perfection des membres, l’harmonie du caractère, la nature de la personne reflétée sur son visage par le regard qui s’intéresse à la totalité : corps, psyché et âme. La beauté n’est pas une valeur d’échange mais on constate qu’elle joue un rôle dans le travail, et c’est vrai aussi de l’homme. Les personnes belles gagnent 5% de plus que les autres et sont mieux appréciés !
Les qualités de la femme au travail
Liste non exhaustive de qualités que les femmes peuvent mettre à la disposition d’une entreprise : gestion du temps, capacité de faire plusieurs choses à la fois, maîtrise des émotions, patience, compréhension, capacité de travailler avec tous, esprit de relation, vision à moyen et long terme …
Les crises d’aujourd’hui viennent des oublis d’hier.
Il faut prendre en compte le travail à l’extérieur et à l’intérieur et valoriser le travail à la maison. Il est nécessaire que le travail à la maison soit bien fait. Il existe une étroite relation entre les deux, ce ne sont pas des mondes séparés.
Les moyennes entreprises dirigées par des femmes se portent mieux que celles dirigées par des hommes. Quelque soit le pays, on note que les entreprises qui sont paritaires sont plus performantes que les autres.
Si nous voulons protéger la famille, il faut faire en sorte que les femmes puissent travailler dans de bonnes conditions. Le partage des outils de décision est le sujet majeur. Le pouvoir de décision n’est toujours pas dans les mains des femmes.
Le mariage et la famille sont bons pour le travail
Le mariage et la famille donnent une sécurité qui permet de bien faire son travail. C’est un cercle vicieux. La femme attend d’avoir fait carrière pour avoir un enfant, parce qu’elle cherche la sécurité qu’elle a perdue en perdant le lien du mariage.
Nous avons besoin de mères qui soient des chefs d’entreprise parce qu’elles pourront faire évoluer le travail en entreprise dans un sens bénéfique pour les femmes. Les entreprises ont besoin des femmes pour devenir vraiment humaines.
Peur et culpabilité
La peur ne doit pas nous conseiller. Les femmes doivent se libérer de la peur et de la culpabilité. Nous ne devrions pas avoir à nous justifier de passer du temps avec notre famille. Nous ne devrions pas avoir peur de prendre des responsabilités, de faire fructifier nos talents.
Dieu nous a donné une famille et des talents. Nous devrions estimer notre réussite par rapport à notre réponse à l’appel de Dieu. Marie, notre modèle, nous montre que ce qui compt, c’est répondre à l’appel de Dieu. Cela nous aidera à lutter contre le sentiment de culpabilité.
Unité de la vie
La femme n’est pas cloisonnée. La vie de famille et la vie professionnelle sont liées. Pour ne pas se diviser il faut établir une hiérarchie d’amour. Quel est l’ordre de nos amours ? Il ne faut pas répondre de façon abstraite, il faut des noms concrets. Respecter l’unité de la vie passe par la dimension physique. La présence a une dimension physique qui est très importante. Nous vivons divisés par la culture technologique, mais le foyer est un lieu de rencontre réel, corps et esprit et pas virtuel.
Le génie féminin
Par son corps fait pour la maternité, la femme perçoit la vulnérabilité de l’être, le fait qu’elle ne peut pas tout contrôler. Elle voit qu’il est difficile d’être devant l’inconnu, mais cette limite est bonne car elle est espace pour l’autre. Nous ne pouvons pas être pleins de nous même, il faut laisser la place à l’autre. La maternité peut être vécue par la prière, de façon à dépasser ses limites pour accompagner nos enfants biologiques ou spirituels. Le travail de la femme doit être compris comme un travail de relation au monde pour le transformer. C’est la qualité des relations qui compte.
Le travail de l’homme libère le monde du négatif, le travail de la femme libère la relation du négatif. Apprenons à regarder le versant caché de cette différence et soyons dans l’action de grâce, c’est un mystère que nous n’arriverons jamais à définir. Récupérons la relation entre nous et apprenons à nous admirer au lieu de nous envier.
Conclusion du Séminaire par Mgr Clemens
Merci au bon Dieu qui nous a donné deux journées avec une expérience très forte de communion ecclésiale… il faut se tenir à jour. La famille, le mariage, c’est le grand champ de bataille dans beaucoup de pays.
Il faut connaître à fond l’anthropologie chrétienne, à retrouver dans le catéchisme et les textes du Magistère. Même conseil pour les textes de lois.
Deuxième étape, c’est le témoignage ! Nous devons vivre ce que nous avons affirmé. Les pères conciliaires parlent d’unité de vie, dans la famille, le mariage et le travail … où nous sommes appelés à témoigner en paroles et en actes.
Ma troisième suggestion, c’est de créer des réseaux d’échanges pour faire des actions concrètes, constituer des groupes, témoigner ensemble que la vision chrétienne est réalisable et vivable, que ce n’est pas un rêve d’une autre époque, c’est hic and nunc. La vision chrétienne est si riche!
Se tenir au courant, témoigner et travailler en réseau. Voilà mes recommandations. Je vous souhaite une bonne année de la miséricorde, un bon Noël et une bonne année 2016 !
Anne Girault présidente de Femina Europa