Newsletter juin 2008
Chers amis,
Femina Europa a eu cette année la volonté d’approfondir sa réflexion sur la place de La femme au cœur des débats contemporains. Dans le droit fil de ces réflexions, je vous invite à lire ci-dessous notre analyse, à la lumière d’une actualité qui menace la dignité de la femme.
En effet, que penser, à la suite du jugement de Lille annulant un mariage, des conclusions du Parquet général qui devraient porter sur le fait que « la référence à la virginité n’est pas compatible avec l’ordre public car elle porte atteinte à la dignité de la femme et à l’égalité des sexes » ?
On ne peut pas non plus passer sous silence le travail préparatoire à la révision des lois de bioéthique qui envisage de légaliser la gestation pour autrui, autrement dit, les mères porteuses, même si certains hommes politiques envisagent « seulement » une exception à l’interdiction plutôt que la légalisation. Une telle dérive n’en reste pas moins dangereuse car elle ouvre la porte à un marché de la gestation pour autrui. Se contenter d’encadrer ce marché ne peut pas être une solution.
Nous remercions tous ceux qui se sont mobilisés contre la résolution du Conseil de l’Europe, visant à reconnaître l’avortement comme un nouveau droit (Cf. courrier de FE du 14 avril 08). Ce texte a malgré tout été approuvé par 102 voix pour, 69 voix contre et 14 abstentions. Que cela nous incite à rester vigilants sur ces questions d’éthique concernant la définition de nouveaux « droits » !
Nous vous rappelons que le Conseil de l’Europe où siègent 47 pays n’a qu’une voix consultative mais un réel impact politique auprès des Institutions Européennes et doit donc retenir toute notre attention.
Une bonne nouvelle pour tous ceux et celles qui souhaitent mieux connaître Femina Europa, s’informer et suivre nos actions : le site Internet de Femina Europa est désormais en ligne à l’adresse suivante www.femina-europa.com
Bien qu’encore en construction, vous y trouverez le compte-rendu de notre dernière conférence donnée par M. Michel Boyancé, professeur et doyen de l’Institut de philosophie comparée (IPC) (auteur de Masculin Féminin, quel avenir ?, Collection « Matière à penser », Éd. Mame Édifa, 2007)
A la veille de l’été 2008, nous vous souhaitons à tous et à toutes de mesurer le chemin parcouru depuis quarante ans en faisant un bilan positif des améliorations apportées à la condition féminine tout en restant attentifs aux fausses routes sur lesquelles certains voudraient nous emmener. Sachons mettre l’accent sur les avancées positives …et mettre en lumière les écueils à éviter !
Inès Gérard
Présidente de Femina Europa.
PS : Vous trouverez en PJ un bulletin d’adhésion pour ceux qui veulent soutenir notre action. Merci à ceux qui ne l’ont pas encore fait de bien vouloir renouveler leur cotisation pour l’année en cours.
La place de la femme au cœur des débats contemporains
Traiter de l’identité de la femme dans une perspective européenne, des questions liées à l’égalité entre les sexes, à la parité au plan social, à la famille au plan politique, et par voie de conséquence du féminisme, des dérives idéologiques instillées par les défenseurs de la cause homosexuelle et homo parentale, et les tenants de la théorie du gender , telles sont les questions d’éthique auxquelles Femina Europa tente d’apporter une contribution. Questions d’éthique… L’éthique a désormais remplacé le terme de morale au niveau de toutes les instances dirigeantes. Il fallait en effet éradiquer un mot trop chargé de connotations religieuses et spirituelles. Dont acte. Mais les idéologues, non contents d’avoir procédé à cette éradication, souhaiteraient aller plus loin encore et gommer dans l’acception du terme toute référence à une quelconque notion d’âme. Ainsi de Michel Onfray qui proclame : « L’éthique est affaire de corps et non d’âme . » Le dualisme de Descartes n’en finit décidément pas de sévir, dans sa volonté de faire du corps et de l’esprit, ou de l’âme, deux entités distinctes en l’homme. Ce serait donc au corps, et au corps seul, de statuer sur les comportements qu’il convient d’adopter en matière d’éthique. Indépendamment de toute appréciation élaborée par l’esprit, ou l’âme ! La crainte affichée d’une intervention de l’âme est bien éloignée de la formule
d’une géniale concision de Pascal : « La vraie morale se moque de la morale ». La vraie morale, en effet, se fonde sur l’ordre naturel. Elle n’est pas le fruit d’une quelconque idéologie mais découle de l’observation rigoureuse de la nature, celle de l’homme et de la femme, corps et âme confondus, dans les questions qui nous occupent. Voilà qui permet d’éclairer d’une lumière nouvelle la plupart des discours contemporains. Ceux-ci, en effet, se présentent souvent comme de pures constructions intellectuelles. L’esprit et le corps ayant été séparés, ces discours sont dès lors volontairement éloignés de toute philosophie du réel. Ils sont astucieusement échafaudés de telle sorte qu’aux évidences qui s’imposent dans la pensée d’un observateur attentif soit substituée la seule raison intellectuelle. Abstraites de la réalité, leurs analyses dérivent vers de purs idéalismes. Or le monde des idées, bien que fort séduisant, n’est pas celui dans lequel l’homme et la femme sont appelés à se rencontrer. Pour comprendre leurs relations et, plus spécifiquement, le rôle que la femme est appelée à jouer dans le monde de la réalité, il convient de revenir à l’humble observation du réel.
Nous naissons homme ou femme …
Nous sommes des individus sexués, de sexe masculin ou de sexe féminin… « Par mâle, nous entendons l’être qui engendre dans un autre, et par femelle l’être qui engendre en soi . » Il est important de poser ces évidences premières dès lors que l’on entend aborder les questions liées à la sexualité. Et Aristote d’insister dans un autre traité : « La matière désire la forme, comme la femelle désire le mâle . » Voilà certes des constatations tirées de l’observation de la nature. Cependant, dès l’Antiquité, on distingue les accouplements des animaux d’avec les relations sexuelles humaines : « Pour les autres animaux, ils ont limité les plaisirs de l’amour à une saison de l’année, cependant qu’ils nous ont accordé de les goûter sans interruption jusqu’à la vieillesse . » « Les plaisirs de l’amour », voilà ce que plus prosaïquement nous désignons sous le terme de sexualité, qui fait florès dans le discours contemporain, alors que dans les temps anciens il n’existait pas. Il n’apparaît dans nos dictionnaires que très tardivement, au XIXe siècle ! Il est employé pour désigner l’ensemble des phénomènes liés au sexe, dans une première acception ; et l’ensemble des diverses modalités de la satisfaction instinctuelle liée à la reproduction de l’espèce. Alors que le latin n’ignorait pas le terme sexus, duquel provient sans altération de sens le mot sexe. Le néologisme survient précisément en ce siècle où s’élabore la théorie de l’évolution de Charles Darwin. Tandis que l’homme et sa compagne sont soupçonnés être les rejetons de la race simiesque, c’est à ce moment-là que surgit le terme de sexualité. Ce que les Anciens n’avaient pas songé à désigner, du moins pas ainsi, lorsqu’il s’agissait de décrire les relations que les sexes entretenaient entre eux, apparaît désormais pour qualifier toutes les relations sexuées, celles de l’homme et de la femme, comme, plus généralement, celles de tous les êtres vivants. Et pourtant, « dès lors que nous tentons d’observer l’homme en zoologiste, nous voyons qu’il ne relève pas de la zoologie. Dès lors que nous tentons d’en faire un quadrupède dressé sur ses seules pattes de derrière, nous réalisons qu’il ferait un quadrupède aussi miraculeux qu’un Centaure galopant parmi les champs du Ciel ».
C’est donc un terme différencié qu’il faudrait inventer à l’usage exclusif de la lignée humaine. Comment expliquer cette curiosité linguistique en dehors de la confusion qui demeure entre singe et Homo sapiens ? Ne pourrions-nous pas émettre une hypothèse selon laquelle le terme a été fabriqué pour servir l’élaboration d’un nouveau type de discours traitant de notre rapport au sexe ? Alors même que naissaient dans le monde occidental les mouvements « en faveur du féminin » que l’on qualifiera plus tard de « féministes », selon une terminologie empruntée à Charles Fourier qui l’inventa dans les années 1830. De fait, le contexte culturel d’alors discriminait la femme, ce qui favorisa ces mouvements qui prirent très vite des allures de révolte.
Le sexe est partout
Il est vrai que l’on n’a probablement jamais autant parlé de sexe, de sexualité, qu’aujourd’hui. Ce qui relevait autrefois du seul domaine privé est jeté en pâture sur la place publique. Les affaires d’alcôve donnent désormais lieu à la publication de textes on ne peut plus officiels précédés de rapports argumentés. Ainsi du Réseau européen de la Fédération internationale pour le planning familial, qui réalisa, en collaboration avec l’Université suédoise de Lund et le bureau de l’Organisation Mondiale de la Santé en Europe, une étude sur l’éducation sexuelle des jeunes Européens. Très documentée, celle-ci se propose de délivrer des informations sur la prévention des MST et des grossesses non désirées afin que les jeunes puissent mieux se protéger. L’éducation sexuelle est donc conçue comme une éducation à la prévention. Ce qu’il s’agit d’enseigner, c’est de bien se garder des dangers du sexe, lesquels sont de deux ordres : l’irruption de maladies contagieuses et l’arrivée inopinée d’un enfant ! Cette étude montre aussi l’importance que les médias peuvent avoir en collaborant à cette éducation auprès des jeunes. Tandis qu’elle déplore que tous les pays ne soient pas également disposés à faire de la sexualité une affaire d’État. Les pays scandinaves, qui consacrent volontiers du temps d’antenne au sujet, sont montrés en exemple face à des pays comme l’Allemagne ou la Pologne. En outre, pour que l’éducation sexuelle porte ses fruits, elle doit être enseignée à l’école et, plus globalement, s’inscrire dans une vraie stratégie au niveau national afin d’« améliorer la santé et le bien-être des jeunes ». Au nom de cette généreuse volonté, les instances européennes voudraient imposer dès le plus jeune âge une éducation à la sexualité (entendez aux sexualités : la sexualité sous toutes ses formes) soustraite de l’autorité des parents. Or ceux-ci sont les premiers éducateurs, dans le domaine de la sexualité aussi bien que dans les autres domaines. Mais, dès lors que sexe et sexualité sont du ressort de la chose publique, l’alcôve se trouve élargie à une dimension planétaire. L’OMS fait même de la « santé » sexuelle une affaire de droits étendus à l’humanité tout entière : « La santé sexuelle est fondée sur l’expression libre et responsable des capacités sexuelles qui renforcent le bien-être harmonieux personnel et social. […] Elle ne réside pas uniquement dans l’absence de dysfonction, de maladie ou d’infirmité. Pour atteindre et maintenir ses objectifs, il est nécessaire que les droits sexuels de tous les individus soient reconnus et soutenus . » Les individus ont désormais des droits sexuels. Et c’est nouveau ! Le sexe ferait donc partie de ces nécessités vitales auxquelles les États devraient contribuer à subvenir ?
Le sexe désenchanté
La sexualité est devenue le lieu privilégié de la recherche du plaisir. C’est du moins ce que l’on cherche à nous faire accroire. Pas étonnant alors qu’elle fournisse le terreau aux nombreuses revendications de militants passionnés. Si elle permet de déchaîner des passions, elle est également le facteur déclenchant de souffrances d’autant plus profondes qu’elles atteignent le cœur de la personne dans son identité d’être sexué. L’intimité des personnes ne saurait se réduire à de simples slogans . Ainsi l’heure du désenchantement a déjà sonné. La libération sexuelle tant espérée portait en son sein le germe du déplaisir. Le sexe, conçu comme le simple assouvissement d’un plaisir, se révèle être asservissant. Parce qu’il n’est plus envisagé comme l’expression paroxystique du don de soi, il est devenu objet de jouissance immédiate, laquelle exige une efficacité optimale. Pour y parvenir, force est de se livrer à une évaluation mentale des éléments en présence. Le sexe disparaît là aussi dans un premier temps au profit de connexions neuronales. C’est ce qu’avoue le philosophe Michel Onfray : « L’hédonisme suppose un calcul permanent afin d’envisager, dans une situation donnée, les plaisirs escomptés, mais aussi les déplaisirs possibles . »
Le désenchantement du monde
Parce que la volonté d’assouvissement immédiate se heurte aux contingences de la réalité, rien d’étonnant à ce que ce soit le monde dans son ensemble qui soit très vite parvenu à être objet du désenchantement. Au point que l’idée même, à la suite d’une relation sexuelle aboutie, de faire venir « au monde » des enfants, puisse paraître horrifique : « Est-elle si extraordinaire, joyeuse, heureuse, ludique, désirable, facile, la vie, qu’on en fasse cadeau à des petits d’homme ? »
Déjà, à la Renaissance, Shakespeare, par la voix de Hamlet, adressait à Ophélie cette terrible injonction : « Entre au couvent : pourquoi vouloir engendrer des pécheurs ? Que viennent des pantins comme moi se démener entre ciel et terre ? »
Le sexe bientôt aux oubliettes ?
En ce début de troisième millénaire, combien nous sommes éloignés des trouvailles linguistiques du XIXe siècle, qui avaient au moins l’avantage de permettre de décrire un certain nombre de phénomènes naturels, nous qui, souverains de notre raison rationnelle, sommes parvenus à élaborer de purs concepts tels que le gender ! Il ne s’agit en effet plus désormais d’expliquer les rapports qu’entretiennent les hommes suivant que ceux-ci sont de sexe masculin ou de sexe féminin, mais d’attribuer à ces derniers un genre, lequel peut très bien être distinct de la sexuation de l’individu dont il est question (hétérosexuel, homosexuel, lesbienne, bisexuel, transsexuel …) Ainsi, dans la société qui est la nôtre, laquelle se donne des airs de permissivité, à tout le moins de libéralisme, le sexe tend-il à être gommé au profit d’un terme générique qui voile plus qu’il ne donne à voir ce qu’il cherche à désigner sous des apparences fort convenables jusque-là réservées au seul domaine grammatical. La chair sexuée disparaît au profit de la notion conceptuelle de genre.
Des intellectuels contemporains, ainsi de S. Boehringer, lors d’une conférence donnée à Sciences Po le jeudi 10 avril 2008, tentent pourtant de faire remonter la notion de genre à l’Antiquité, en la rattachant à celle d’homosexualité. À grand renfort de citations extraites des œuvres de Sappho, de Platon et d’Ovide. Mais, précisément, l’homosexualité, dans l’Antiquité, si elle existait bel et bien, et dans les deux sexes, ne se situait pas sur le même plan que les relations sexuelles entre homme et femme. Aucun de ces auteurs ne tenta jamais de les poser sur un même pied d’égalité. Or c’est ce que nos idéologies contemporaines font au contraire en plongeant dans un relativisme déroutant tous les comportements sexuels, les faisant dans un premier temps considérer comme naturels sous prétexte qu’ils sont attestés dès la plus haute Antiquité. De là à les considérer comme normaux, c’est un pas qu’ils franchissent fort allégrement. En nous demandant de les suivre… Et de conclure que « le sexe et la sexualité sont des objets d’histoire, et, de ce fait, politiques ». C’est ainsi que certains lobbys font pression sur les instances dirigeantes afin de légiférer sur des comportements sexuels qui deviendraient par là même et légitimes et normatifs.
À ce compte-là, comment ne pas voir comme une anticipation de la réalisation de la terrible prophétie d’Alfred de Vigny ?
« Bientôt, se retirant dans un hideux royaume,
La femme aura Gomorrhe et l’Homme aura Sodome,
Et, se jetant de loin un regard irrité,
Les deux sexes mourront chacun de leur côté . »
Femina Europa
Juin 2008