Politiques familiales et crise démographique: nécessité de prendre en compte l’impact des cultures

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Conférence de l’ONG polonaise Ordo Iuris

 L’ONG polonaise Ordo Iuris a organisé fin septembre 2023 une conférence sur l’impact de la culture environnante sur l’actuelle crise démographique que vit le monde occidental. Ce mot de Cicéron a donné le ton :  « L’amour familial est le fondement de toutes les vertus ». Un  grand nombre d’experts de la politique familiale, européens et américains  sont venus parler. Voici quelques points forts relevés par Femina Europa :

Le professeur américain Bracy Bersnak, (Ph.D, American Christendom College) fait le constat que les jeunes ne se marient plus mais de fait ils sont « mariés » avec leur travail. Le mariage n’est plus une priorité pour eux : leur priorité est d’avoir un bon job dans lequel s’épanouir. Une fois parents, leur priorité c’est la réussite professionnelle, financière pour eux-mêmes et leurs enfants et non une éducation réussie d’un point de vue moral, dans lequel les notions de famille et de mariage sont inculquées. La crise du mariage est aussi liée à l’individualisme et au concept d’autonomie radicale prôné par la culture ambiante et l’idéologie du genre, dont les organismes internationaux se font le relais. B. Bersnak rappelle que cette idéologie a ses racines dans la philosophie de Simone de Beauvoir, pour laquelle  mariage et maternité sont des freins à l’autonomie des femmes. C’est ainsi que l’on voit l’état développer des moyens pour libérer les femmes de la charge d’éduquer les enfants et du souci de maternités non désirées en facilitant l’avortement. Quant aux jeunes — les jeunes femmes en particulier — ils profitent de leur jeunesse, préférant user de leur autonomie financière pour s’amuser entre amis au lieu de fonder tôt une famille.

Conclusion de B. Bersnak : L’autonomie totale est un leurre. La famille est une ressource indispensable en société. Une famille heureuse crée une société plus saine. Qu’on le veuille ou non, nous dépendons tous les uns des autres et nous le ressentons d’autant plus quand nous sommes dans le besoin ou l’épreuve. Se marier et devenir parents nous rend meilleurs nous dit-il, car le mariage rend responsable. Les parents doivent enseigner à leurs enfants l’importance de la valeur de la famille, du mariage: c’est aussi important que de trouver un emploi. Le mariage donne du bonheur lorsqu’il est bien vécu.

Le polonais Rafał Dorosiński  a commencé son intervention en soulignant  que le taux de fécondité actuel en Pologne n’assure pas le remplacement des générations. Est ce que les Polonais ne veulent plus d’enfants ? Non pas vraiment, car de fait, il font face à la culture ambiante ainsi qu’à des difficultés matérielles  pour avoir des enfants. Le conférencier s’appuie sur l’étude de deux américaines Laurie DeRose et Lyman Stone, de « l’Institute for Family Studies » :  ‘ More Work, Fewer Babies: What Does Workism Have to Do with Falling Fertility?’ — Plus de travail, moins de bébés: qu’est ce que le « workisme » a à faire avec la chute de la natalité?—

Pour ces chercheuses,  il est usuel de penser aux USA  que le taux de fécondité  serait plus élevé si l’on permettait aux femmes de concilier plus facilement travail et famille.  Mais ces chercheuses mettent le doigt sur le « workisme » qu’elles définissent  comme une culture dans laquelle le travail d’une personne a « une valeur morale et même idéologique où l’expression de soi passe par le travail ». Les éléments de leur thèse montrent que les pays qui accordent une grande valeur au travail comme source de sens ont une faible fécondité, même lorsqu’ils soutiennent les familles par d’autres moyens.

Les pays nordiques étaient autrefois cités comme la preuve qu’il était possible d’avoir une culture féministe moderne réussie et une fécondité élevée, à condition que le gouvernement soutienne la procréation avec de généreuses prestations sociales et que des hommes partageant le concept d’égalité des sexes se mettent  aux tâches ménagères pour alléger le fardeau de leur conjointe féminine. Malheureusement, l’argument ne tient pas. Les pays nordiques ont tous connu une forte baisse de la fécondité au cours des dix dernières années. La Finlande, la Norvège et l’Islande affichent désormais des  taux de natalité les plus bas jamais enregistrés.

L’autonomisation des femmes par le travail trouve donc ses limites face à la crise démographique car la solution n’est pas de donner encore plus d’autonomie aux femmes en dénonçant le patriarcat, ou de leur donner plus de ressources financières. Notre conférencier souligne que la valeur d’une femme est aujourd’hui vue à l’aune de son efficacité professionnelle « Une femme qui ne travaille pas ne rapporte pas à l’Etat » Alors que des analyses en Pologne montrent que beaucoup de femmes aimeraient passer plus de temps avec leurs enfants et travailler moins. Etre mère au foyer serait une « sous-activité »: cela découle des théories féministes qui voient la maternité comme oppressive et dont il faut libérer les femmes. Rafał Dorosiński  rappelle que la politique Onusienne reflète cela. Il cite l’OMS, l’UNESCO, IPPF  — Fédération internationale pour la planification familiale—, qui ne voient l’activité reproductive humaine que comme une technique et une activité récréative  … La sexualité n’est plus conçue en vue de la reproduction entre un homme et une femme et dans une vision morale. Les mots famille, mariage (homme-femme)  ont totalement disparu du vocabulaire des textes internationaux. Rafał Dorosiński  souligne qu’en Pologne les campagnes se multiplient pour montrer combien la maternité est dangereuse pour les femmes : transformation de leur corps, impact sur l’environnement, limitation de leur autonomie.

L’anglaise Melinda Brown a souligné l’influence du féminisme sur le cadre institutionnel et juridique de la famille. De fait, dit-elle, on est passé de l’amour de la vie à l’amour du travail. Pour résumer le programme du féminisme,  Melinda Brownn cite le dialogue d’une féministe américaine:

«  Pourquoi sommes-nous ici aujourd’hui ? » Elle répond: « Pour Faire la révolution »

«  Quel genre de révolution ? »  «La Révolution culturelle »

« Et comment faire une révolution culturelle?» «  En détruisant la famille américaine ! »

«  Comment détruire la famille américaine? »  « En détruisant le patriarcat américain »

«  Et comment détruire le patriarcat américain ? » « En lui enlevant son pouvoir ! »

«  Et comment fait-on ça ? » «  En détruisant la monogamie »

«  Comment pouvons-nous détruire la monogamie ? »  «  En promouvant la promiscuité, l’érotisme, la prostitution, l’avortement et l’homosexualité ! »

L’autonomie des femmes est devenu un objectif primordial pour l’ONU , et cela pour libérer les femmes (Voir objectif développement durable N°5). La Baronne Brenda Hale, une juge britannique, présidente de la Cour suprême du Royaume-Uni de 2017 à 2020, a déclaré « Le mariage doit être aboli » et une série de mesures législatives ont été prises dans ce sens aux UK  pour tout ce qui touche à la famille ( mariage, divorce, impôts , allocations familiales, retraite .. ).  Aux UK, à revenu égal, un couple dont la femme ne travaille pas est désavantagée par rapport à un couple dont la femme travaille.  La stabilité des couples n’est pas encouragée par la législation, bien au contraire. Et l’effet pervers est que les pauvres se marient moins que les riches et deviennent de plus en plus pauvres. Par ailleurs, les femmes sont rentrées sur le marché du travail au moment où les hommes ont eu plus de difficultés à trouver des emplois sur le marché du travail ( crise industrielle aux UK, perte d’influence des syndicats). En fait la stabilité des mariages est aussi lié au fait que les hommes gagnent bien leur vie et ont des bons salaires !

Les études ont montré que:

• le taux de mariage est directement proportionnel au niveau d’éducation des hommes et de leurs ressources ( salaires)
• les divorces sont plus importants dans les couples où les femmes gagnent plus que leurs époux
• si les hommes ont de bons salaires, cela permet plus facilement aux femmes de rester à la maison pour s’occuper de leurs enfants

Joseph Backholm, chercheur en analyse stratégique au Family Research Council, après avoir passé 10 ans en tant que président et avocat général du Family Policy Institute de Washington, pose la question suivante:  pourquoi les gens n’ont-ils plus d’enfants?  Sa réponse: ils attribuent plus de valeur à l’argent, la carrière, le confort ou la politique, c’est ce  qui conditionne pour eux le bonheur.

J. Backholm note que les familles religieuses et pratiquantes ont plus d’enfants car elles privilégient la famille et les enfants à la réussite sociale. Les études l’attestent : les états américains qui sont les plus religieux ont un meilleur taux de natalité. Israël est le seul pays qui a un taux de natalité qui assure un taux suffisant de remplacement des générations : cela se comprend au vu de la culture juive et de son histoire, toujours prégnante dans la société israélienne. Voir ce graphique d’Eurostat:

Pour Joseph Backholm, il nous faut changer la culture en diffusant une autre vision de la famille que celle donnée actuellement et qui la réduit à une recherche de confort, d’épanouissement individuel et de plaisir!

Le chercheur hongrois Árpád Mészáros a souligné l’importance des politiques familiales et de la nécessaire promotion du mariage pour surmonter la crise démographique. Depuis 2010, la politique familiale hongroise vise à éliminer les obstacles à la naissance d’enfants et à créer des conditions décentes pour les élever et à promouvoir le mariage. L’Institut hongrois Mária Kopp pour la Démographie et la Famille a réalisé une série d’études et leurs recherches montrent que le mariage est avant tout une forme de relation entre un homme et une femme, qui caractérise des couples avec ou en attente d’enfants. L’intention d’avoir des enfants est l’un des principaux facteurs des mariages. Le lien entre mariage et natalité a longtemps été pris pour acquis par les démographes. Mais si le mariage est la forme de relation traditionnellement la plus commune et la plus acceptée dans la société hongroise, les formes alternatives de cohabitation sont devenues de plus en plus acceptées. En Hongrie ces dernières années, la proportion d’enfants nés hors mariage a commencé à augmenter à nouveau après une période de diminution. Et les études sur la natalité montrent que dans les relations stables (mariages) ce sont des enfants désirés qui naissent, et proportionnellement ces familles ont plus d’enfants.

Le polonais Michał Kot a évoqué le phénomène de la solitude qui est « la » pandémie du XXIe siècle dont on ne peut ignorer l’impact sur les processus démographique. En effet les femmes ont des difficultés pour pour trouver des partenaires dans leur vie … de même que les hommes éprouvent des difficultés à lier des relations durables. Reconnaissons le poids du virtuel ( séries télévisées, jeux vidéos) … et  toute cette emprise du  numérique qui est une cause majeure de solitude, sans compter la pornographie qui abime les relations hommes femmes. Michal Kot note qu’en Angleterre un département pour lutter contre la solitude a été créé. Et au Japon, en  février 2021, le Premier ministre Yoshihide Suga a créé un poste ministériel pour atténuer l’isolement social. Michał Kot conclut sur la nécessité de promouvoir les relations sociales non seulement dans la vie virtuelle ( le métavers ) mais aussi dans la vie réelle!

Le polonais Michał Michalski – Université de Varsovie— a voulu quant à lui, souligner l’importance du rôle des pères, en rappelant quelques points mis en avant par les études sociologiques:

• Les nourrissons de six mois obtiennent de meilleurs résultats aux tests de développement mental si leur père est impliqué dans leur prise en charge.
• Les adolescents élevés par leurs deux parents, présence rassurante, font mieux face aux situations difficiles et supportent mieux le stress.
• Les adolescents avec des pères présents et aimants consomment beaucoup moins d’alcool ou de drogues (…)
• Les filles à qui les pères donnent affection et sentiment de sécurité réussissent mieux à l’école; et l’on constate beaucoup moins de tentatives de suicide et moins de cas d’insatisfaction de leur apparence, moins de dépression et de faible estime de soi
• Les filles dont les pères sont impliqués dans l’éducation ont de meilleures compétences en mathématiques et une meilleure capacité à se présenter, elles utilisent mieux leurs capacités intellectuelles, retardent plus longtemps leur initiation sexuelle et sont donc moins susceptibles de tomber enceintes prématurément. La probabilité de perdre sa virginité avant l’âge de seize ans chez les adolescents qui vivent avec leurs deux parents est trois fois plus faible.