Pour qui voter? Un point de vue catholique
D’un autre côté la dimension spirituelle de la personne est gérée de plus en plus par l’Etat : le droit à la liberté de culte a été soumis au bon vouloir des préfets… et pour les parents chrétiens le droit des parents à éduquer leurs enfants selon leurs valeurs est pratiquement devenu inapplicable.
Quant à l’Etat son rôle n’est pas de se substituer aux familles mais de favoriser la subsidiarité et la solidarité, respecter la vie et la loi naturelle. Quand la famille va bien c’est toute la société qui va bien.
Éditorial de Monseigneur Marc Aillet paru dans la revue diocésaine « Notre Église » de mars 2022
En avril prochain se tiendront en France les élections présidentielles. Les catholiques, qui sont des citoyens à part entière, ne sauraient s’en désintéresser. C’est que, comme tous les Papes contemporains le répètent à l’envi, à la suite de Pie XI, « La Politique est une forme éminente de la charité ». Les évêques du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France ont publié, en janvier dernier, une Déclaration, « L’Espérance ne déçoit pas », pour aider les fidèles de l’Eglise catholique à saisir les enjeux du prochain scrutin présidentiel. Il peut être en effet une base utile de réflexion et de débats pour orienter un vote qui doit être émis par chacun, en conscience. Et il est évident que l’Eglise ne saurait donner des consignes de vote. Comme le soulignait le Pape Benoît XVI, dans son encyclique Dieu est Amour, « L’Eglise ne peut ni ne doit prendre en main la bataille politique pour édifier une société la plus juste possible » (n. 28). Il ajoutait toutefois : « Mais elle ne peut ni ne doit rester à l’écart dans la lutte pour la justice » (Ibid.). C’est que la justice est le but et la mesure intrinsèque de toute politique. Et c’est là que l’Eglise a un rôle à jouer, pour éclairer et former les consciences. Comme l’écrit encore Benoit XVI : « Pour agir de manière droite la raison doit constamment être purifiée, car son aveuglement éthique, découlant de la tentation de l’intérêt et du pouvoir qui l’éblouissent, est un danger qu’on ne peut jamais totalement éliminer » (Ibid.).
Aussi, la Politique, dont l’objet est la promotion du Bien commun par l’établissement d’un ordre social juste, est davantage œuvre de vertu que de technique. En cela, elle est d’abord œuvre de la vertu de Prudence qui est la « droite règle de l’action », en disposant « la raison pratique à discerner en toute circonstance notre véritable bien et à choisir les justes moyens de l’accomplir » (CEC n. 1806). C’est donc d’abord la vertu du gouvernement de soi-même, mais qui concerne aussi le gouvernement des autres. Ainsi, on parlera de « prudence politique », à la fois la prudence de ceux qui gouvernent et la prudence de ceux qui sont gouvernés. Saint Thomas d’Aquin précise en effet que le citoyen devra pouvoir vérifier si les orientations, voire les ordres, édictés par l’autorité politique, sont conformes aux exigences du Bien commun : il doit en effet pouvoir intérioriser le commandement du Prince et en faire son propre commandement intérieur, « sinon il n’obéira pas en homme mais en animal ».
Or le Bien commun n’est pas l’addition des biens particulier, comme le stipule une conception individualiste de la vie sociale ; mais il est le Bien que tous peuvent rechercher en commun, car il garantit la dignité de toute personne humaine, sans exception, à commencer par la plus faible et la plus fragile, et s’appuie sur le caractère profondément social et solidaire de la nature humaine qui fonde l’amitié sociale et la fraternité entre tous.
De ce point de vue, l’Eglise ne saurait rester neutre par rapport aux bilans et aux programmes de ceux qui se présentent aux suffrages de leurs concitoyens. Aucune naïveté ne peut être de mise : on ne juge pas sur des discours mais sur des actes. Il sera donc nécessaire en particulier d’interroger le bilan du dernier quinquennat et d’en faire un repère pour évaluer les programmes et apprécier la capacité des candidats à promouvoir la dignité de la personne humaine, voire à en atténuer les atteintes déjà inscrites dans la loi et les mentalités. Un tel bilan ne saurait être exhaustif et laissera sans doute de côté des points positifs reconnus par tous, mais se situera volontairement du point de vue des principes non négociables. Comment le respect inconditionnel de la vie humaine a-t-il été défendu ? Qu’on pense aux lois de bioéthique, avec la PMA sans père, la fabrication d’embryons chimériques, la désorganisation institutionnalisée de la filiation ; à l’allongement du délai de l’accès à l’avortement, sans préconiser aucune mesure pour aider les femmes enceintes en difficulté à garder leur enfant, ou à la volonté d’inscrire dans la charte de l’union européenne un « droit fondamental à l’avortement », considéré comme prioritaire par la Présidence française de l’Europe, ou bien encore à la revendication de la GPA ou de l’euthanasie. Comment l’idéologie du gender et la propagande LGBT s’invitent de manière croissante dans les programmes de l’Education nationale, en organisant la déconstruction de l’homme créé à l’image de Dieu, « homme et femme ».
Sans oublier bien d’autres aspects – gestion de la « crise » sanitaire, en rapport avec la liberté de conscience, et ses conséquences sociales et économiques ; montée du terrorisme islamiste et de la violence, fractures sociales en hausse et précarisation, écologie intégrale, conception de la laïcité et liberté de culte, place de la France dans l’Europe et le monde, immigration et aide au développement … –, un catholique ne saurait faire abstraction de ces questions sociétales dans son discernement et dans son choix.