Changements de vocabulaire, changement de mentalité…
Adoption récente des termes « droits humains » au lieu de « droits de l’homme » par la Conférence des OING du Conseil de l’Europe
Quelques réflexions
L’expression « droits de l’homme » est dans les médias de plus en plus souvent remplacée par « droits humains ». Le souci de faire respecter l’égalité de la femme et de l’homme peut faire comprendre la raison de ce changement de terme. L’intention est louable car au premier coup d’œil on pourrait penser que la femme en est exclue. Ainsi la Conférence des OING du Conseil de l’Europe a adopté fin janvier 2018 l’expression « droits humains » à la place de « droits de l’homme » (ce n’est pas –encore- le cas des autres instances du Conseil ni de l’ONU). Mais essayons d’aller plus loin.
Dans un premier temps, on peut convenir en effet que l’expression originale risque de conforter une attitude assez « machiste » et que les textes pour être clairs doivent utiliser des mots précis : ces droits concernent également les hommes et les femmes. C’est cependant oublier que la langue française donne deux sens au mot « homme », le premier désigne la personne masculine (en latin: vir, viris), le second l’être humain (homo, hominis) dont il tient son origine étymologique. Mais cela, qui le sait ou accepte de s’en rappeler aujourd’hui ?
En outre, deux questions peuvent se poser: Ce changement qui, à première vue, paraît minime aurait-il un impact sur l’idée exprimée à l’origine par les rédacteurs de la Déclaration ? L’argumentaire accompagnant la résolution sert-elle la cause des femmes ?
Les nouveaux termes changent-ils le sens ?
Adopter « les droits humains » comme les anglophones l’ont fait (human rights), c’est le plus simple et il n’y a ainsi plus de discrimination par le langage! Malgré cette similitude d’une traduction mot à mot de l’anglais, le message reste t-il le même ? Dans la langue anglaise, c’est l’adjectif qui est porteur du sens, « human » sera donc le centre de l’expression, en revanche en français, c’est le substantif qui joue ce rôle ; ainsi remplacer « l’homme » par « humains » fait passer au second plan ce concept d’humanité que les rédacteurs de la Déclaration ont voulu central. Dans le préambule de la Déclaration des « droits de l’homme », celui-ci est bien au centre ; le texte pose comme fondement la dignité intrinsèque de tout être humain. Les droits qui y sont inscrits n’existent que du fait de cette affirmation. Ils sont entre eux comme les rayons d’une roue de bicyclette tendus et solidaires, organisés autour de l’homme et de sa dignité. On ne peut toucher à l’un des droits sans atteindre les autres. En revanche, l’expression « droits humains » ne rend pas compte de cette cohésion interne. Elle évoque une juxtaposition. Ce qui devient une liste de droits m’invite à « faire le marché », à pouvoir choisir, à privilégier un droit au dépend d’un autre et finalement à exiger le respect de mes choix en perdant de vue que c’est l’homme qui est le centre et non mes désirs éparpillés aussi légitimes soient-ils. L’idée fondatrice de dignité humaine transcende l’homme, elle est la source, le lien qui existe entre nous.
Il convient de remarquer que ce changement de terme n’est pas en soi « une catastrophe », il met cependant en lumière, comme sur une pente glissante, la tendance à un individualisme qui, sous prétexte de respect des libertés, conduit l’homme vers une solitude abyssale; on ne peut construire son existence, son bonheur, sans les autres.
2 L’argumentaire accompagnant la résolution sert-il la cause des femmes ?
C’est l’experte égalité entre les hommes et les femmes auprès de la Conférence des OING du Conseil de l’Europe qui a présenté ce projet de résolution. Elle part du constat que «…la France avait refusé de changer les termes (humains plutôt que homme) et avait conservé dans la Déclaration de 1948 cette expression exclusivement masculine » ne tenant pas compte de la discrimination à l’égard des femmes que cela entraînait. « Cette logique politique discriminatoire est considérée comme naturelle par ceux qui nous gouvernent… L’homme serait toujours le générique de l’humanité, englobant les femmes, ce qui est erroné, c’est uniquement la volonté de maintenir le prestige de l’expression « droits de l’homme » et par là même la prééminence masculine sur le genre humain. La France impose (ainsi) une discrimination aux femmes françaises et à toutes femmes francophones…». —Nota : L’experte ignore que les Canadiens francophones ont intelligemment adopté le terme « droits de la personne ». —
Cette approche place la reconnaissance de l’égalité entre les hommes et les femmes dans une dynamique de combat à la forme marxiste. C’est en s’opposant à l’homme que la femme se réaliserait. Cette égalité justement recherchée est aujourd’hui comprise à tort au sens mathématique où l’identique s’oppose au différent (inférieur ou supérieur). Femina Europa condamne vivement cette approche qui blesse autant l’homme que la femme. Tous deux sont égaux (ils partagent la même humanité) et distincts par leur corps sexué. Voilà le paradoxe mais aussi l’immense richesse de la nature humaine !